Archives de catégorie : Repéré…

Le Conseil d’État consolide les droits d’expression des minorités

Dans une décision du 14 avril 2022, le Conseil d’Etat a clarifié et consolidé les droits d’expression des conseillers élus sur une liste autre que celle ayant obtenu le plus de voix lors du dernier renouvellement du conseil municipal ou ayant déclaré ne pas appartenir à la majorité municipale des élus n’appartenant pas à la majorité municipale. Ainsi, il a tranché la question de l’espace d’expression sur le site internet de la commune.

“Il résulte de l’article L. 2121-27-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) qu’un espace doit être réservé à l’expression des conseillers n’appartenant pas à la majorité municipale dans toute publication comportant des informations générales sur les réalisations et sur la gestion du conseil municipal, y compris sur le site internet de la commune.”

Une décision qui justifie une relecture attentive du règlement intérieur du conseil municipal et, le cas échéant, sa mise en conformité avec le cadre juridique établi par cet arrêt de la haute juridiction administrative.

De Charybde en Scylla…

Les séquences électorales de ce printemps 2022 ont une nouvelle fois précipité le pays un peu plus profondément dans les abîmes de l’abstention… Sans qu’on soit sûr d’avoir touché le fond, tant la défiance, nourrie de multiples ressorts, est puissante et très enkystée ! Expression d’une démocratie en grande souffrance…

Dans ce marasme, le propos de Frédéric Gilly sous l’égide de la fondation Jean Jaurès offre des propositions intéressantes – voire revigorantes – qu’il faut absolument explorer à tous les échelons, notamment locaux qui, globalement, sont largement à la peine malgré bien des intentions sincères mais non dépourvues de maladresses. La première étant d’abdiquer devant les “sachants”, ces experts des cabinets conseil abondamment, voire excessivement sollicités qui parfois, par leurs méthodes, empêchent l’émergence d’un vrai débat politique qui est la condition première de la restauration d’une confiance entre élus et citoyens…

Cookies internet : refuser doit être aussi facile que d’accepter         

À partir du 1er avril, tous les sites web français devront être conformes aux nouvelles règles édictées en matière cookies par l’article 5(3) de la directive “ePrivacy” 2002/58/CE modifiée en 2009 et à l’article 82 de la loi Informatique et Libertés qui transpose ces dispositions en droit français.

Les cookies sont des traceurs placés automatiquement dans le navigateur lors de la visite d’un site internet. Certains d’entre eux sont sont indispensables au bon fonctionnement d’un site internet et permettent de simplifier l’interaction site-utilisateur. D’autres, cookies de ciblage marketing, collectent des informations sur l’internaute dans l’objectif de lui adresser de la publicité personnalisée selon les goûts et les centres d’intérêts détectés au fil des navigations. La réglementation vise donc à encadrer cette deuxième catégorie de cookies dans le but d’assurer la protection des données personnelles de l’utilisateur.

Ainsi, l’internaute doit être clairement informé des objectifs de ces cookies et il doit être aussi facile pour lui de les refuser que de les accepter. A partir du 1er avril 2021, tout site doit impérativement et préalablement informer l’internaute de façon claire et synthétique de la nature des cookies. Continuer la lecture

De la déconstruction du discours public…

Sans m’instituer thuriféraire d’Emmanuel Macron, ce propos* du Président de la République m’est apparu intéressant dans la mesure où il décrypte l’un des mécanismes qui concourt à la démonétisation de la parole publique. Phénomène fortement accentué par les réseaux sociaux mais aussi et surtout par les médias d’information en continue et que l’on retrouve à des degrés divers et sous des formes variées dans toutes les sphères de pouvoir…

“Vous mentionnez les réseaux sociaux, mais il existe aussi une responsabilité médiatique.
C’est vous qui le dites. Mais, effectivement, on observe aujourd’hui un processus de déconstruction de tous les discours, qu’il s’agisse d’un discours politique, d’organi­sation ou de vérité. (…)
Vous voyez bien que le moindre discours, la moindre annonce, est suivi de plusieurs heures de commentaires. Cela, c’est précisément un processus de déconstruc­tion accélérée. A la fin de la soirée, ceux qui sont restés devant leur télévision se demandent Finalement, qu’est-ce qu’il a dit ? »
Vous voyez combien cette déconstruc­tion, qui peut être légitime, complexifie les choses. Une société, pour avancer, a besoin de commun, que des principes d’autorité politique, académique, scientifique existent. Et ce commun, parce qu’aussi l’es­pace public est de plus en plus fragmenté, est de plus en plus difficile à produire. Parce qu’il fait toujours l’objet de critiques, de controverses. Mais le commentaire ne peut être permanent, il faut revenir aux faits, à qui parle, sur quoi, avec quelle légi­timité et quelle responsabilité.
C’est crucial. Car le relativisme déli­tant tout, il nourrit la défiance et affai­blit, à la fin, la démocratie. Chacun doit donc prendre ses responsabilités pour changer cela.”

Une problématique à laquelle sont confrontés tous les communicants publics et qui doit faire l’objet d’une vigilance permanente autant que d’une gestion rigoureuse, voire économe, de la parole publique !

* Interview L’Express – 23 décembre 2020

Faut-il craindre la “facebookratie” ?

Il y a quelques jours, la très sérieuse Fondation Jean Jaurès a publié une note d’analyse intitulée “En immersion numérique avec les gilets jaunes”. Très intéressante et peu technique elle décrypte comment, en quelques jours, Facebook est devenu leur QG numérique. Autrement dit, l’analyse propose une plongée inédite au cœur de la Facebookratie qui ne sent pas que… la rose, en soulignant le rôle et les méthodes de la fachosphère dans la propagation des messages ! 

Sa lecture apporte des éléments d’éclairage sur l’outil et ses usages et interpelle sur ses atouts mais aussi sur les menaces qu’il fait peser sur les libertés et la démocratie.

A lire !
Ici

“une colère qui vient de loin”…

Tel est le titre que le CEVIPOF a donné à la vague 10 du baromètre de la confiance politique qui nous a été livrée ce vendredi 11 janvier 2019.
A travers une centaine de slides, il radiographie et mesure le degré de confiance des français dans la société à partir d’une étude, c’est important de le préciser, réalisée par OpinionWay du 13 au 24 décembre auprès d’un échantillon de 2116 personnes inscrites sur les listes électorales.

Sans surprise ce dixième baromètre livre la photographie d’une France profondément déprimée où règne la méfiance, la morosité et la lassitude qui dominent largement les sentiments positifs comme la sérénité, l’enthousiasme, le bien être ou la confiance. 

Ainsi, ce baromètre établit l’image d’un pays dont l’état d’esprit est largement plombé par le pessimisme. Confirmant au passage que faute de croire à leur destin collectif, les françaises et les français se réfugient dans l’individualisme devenu la norme sociale dominante.
Le degré de confiance se détériorant fortement dès que l’on s’éloigne des sphères de l’intimité personnelle. Comme l’on constate que le fragile optimisme individuel et le fort pessimisme collectif se retrouvent dans le rapport à l’avenir qui n’est plus envisagé avec confiance et capacité à s’y projeter positivement.

Dans ce maelström, le champ politique est à nouveau inévitablement impacté. Si l’intérêt pour la politique demeure, la méfiance et le dégoût dominent largement. Rejet du politique, sentiment d’indifférence des politiques à l’égard du commun des mortels et affirmation de corruption généralisée des acteurs politiques dominent, impactant l’ensemble des institutions de la république et les titulaires des différentes fonctions.

Curieusement, dans cette défiance généralisée, la sphère locale est relativement épargnée. Son image fortement dégradée dans les résultats de la vague 9 (cf. mon précédent post) se redresse timidement. La confiance dans le conseil municipal gagne un point. Celle du maire, qui est le seul élu local à tirer son épingle dans cette défiance généralisée, gagnant 3 points en un an.

Ainsi, les acteurs politiques qui assurent des fonctions de proximité restent globalement considérés comme bienveillants et compétents pour mener leurs missions.

Pour autant, il convient de se garder de tout “cocorico” ostentatoire si l’on se réfère à l’appréciation du fonctionnement global de la démocratie en France dont 70 % des personnes interrogées considèrent qu’elle ne fonctionne “pas très bien ou pas bien du tout”.

Sans négliger qu’une décennie de baromètres de confiance confirme que le rejet de la politique est net. Dans un tel contexte le vote apparait de moins en moins comme un moyen d’exercer une influence sur les décisions politiques.

Autant d’indicateurs à ne pas négliger dans la perspective des prochaines élections municipales où le défi de la confiance sera l’une des principales clés du scrutin !

Pour en savoir plus :
Baromètre confiance 2018 – vague 10
Une décennie de baromètres


Droit d’expression de la minorité : du nouveau !

A travers deux décisions récentes, la juridiction administrative a clarifié et précisé le cadre du droit d’expression de la minorité. Qu’il s’agisse d’un conseil municipal ou communautaire. Et… ça se corse !

Droit d’expression sur les réseaux sociaux
La première, rendue par le tribunal administratif de Dijon, a jugé que “la page Facebook d’une commune ouvrait droit à un espace d’expression réservé à l’opposition municipale”. Cela en cohérence avec l’article L.2121-27-1 du CGCT.

Reste que la mise en œuvre de ce droit sur les réseaux sociaux n’est pas évidente et qu’en conséquence le règlement intérieur de la collectivité doit en définir les modalités qui peuvent être exercées par l’opposition dès lors que la page Facebook à destination des administrés donne des informations générales sur la collectivité et ses réalisations. Le tribunal administratif ayant motivé sa décision sur le critère de la cible. Ce qui a priori exclut l’exercice de ce même droit sur une ou des pages spécifiques à destination d’un public cible, les jeunes par exemple.

Cette décision concerne bien entendu l’ensemble des réseaux sociaux. Et je vous laisse donc imaginer la complexité de la mise en place de règles permettant l’exercice de ce droit sur Twitter avec des messages de 140 signes maximum !

Interdiction de limiter le périmètre d’expression aux seuls sujets d’intérêt local ou communal
Dans un arrêt rendu le 20 mai 2016, le Conseil d’Etat a sanctionné la commune de Chartres pour avoir refusé de publier dans le magazine municipal le texte proposé par l’opposition municipale. Il a jugé qu’il n’appartenait pas à la collectivité et à son maire de contrôler, donc de s’opposer à la publication d’un texte émanant d’un des membres de l’opposition au motif que le contenu du texte s’écarte des seules considérations locales. La haute juridiction administrative rappelant que le seul motif légal permettant au maire ou au président de s’opposer à une publication d’une expression de l’opposition tient à la nature du contenu qui ne doit en aucun cas engager la responsabilité pénale du directeur de publication : propos à caractère outrageants, diffamatoire ou injurieux.

Deux décisions qui appellent donc l’examen de la conformité du règlement intérieur et, le cas échéant, leur révision. Et qui, au-delà de ces aspects juridiques, interrogent aussi et surtout sur la nature de la communication dans les supports de la collectivité.

NB : Ce droit d’expression n’est pas attaché aux groupes constitués. Il appartient aux conseillers n’appartenant pas à la majorité municipale. Voir un de mes précédents posts.

Vent en poupe pour la presse en ligne !

Selon une étude ONE d’AudiPresse citée par Le Monde, la presse en ligne a clairement le vent en poupe.
Celle-ci révèle qu’aujourd’hui, 49 % du total des lectures s’effectue à partir de supports digitaux. Compte tenu des taux de croissance des usages, il semble bien que les supports papier seront supplantés dès l’année prochaine.
Si la consultation à partir d’un ordinateur représente encore 47 % des lectures, on note aussi que la part des lectures sur smartphones et tablettes connaît une progression fulgurante.
Dernière indication intéressante de cette étude, 46 % des Français consulteraient au moins un média en ligne à partir de leurs mobiles.
La révolution de l’information est donc bien à l’œuvre !

Une vision clivée de l’avenir de la commune…

Si le sondage évoqué dans le post précédent révèle un consensus très fort sur l’attachement à la commune, les clivages réapparaissent sur l’avenir de l’institution communale ? Un tiers seulement des Français se disent favorables à une évolution de son rôle. Un non massif se dégage donc quant à une évolution des compétences aujourd’hui exercées par les communes.

Deux tiers des Français (63%) souhaitent « qu’elles restent comme « elles sont, en gardant leurs compétences actuelles de proximité », 22,5 % d’entre eux suggèrent « qu’elles fusionnent avec des communes voisines pour ne plus former qu’une seule nouvelle commune

La ligne de clivage est générationnelle : plus on est âgé et moins on souhaite voir le périmètre des compétences de la commune évoluer. Il est aussi économique. Si les personnes dotées d’un fort capital économique (> 6000 € de revenus / mois) sont plus enclines au changement, les personnes les plus fragiles financièrement affichent une résistance marquée à l’intercommunalité : 71 % des personnes percevant un revenu inférieur à 1 250 euros par mois et 74,5 % des Français déclarant « s’en sortir très difficilement avec les revenus de leur ménage » ne souhaitent pas voir leur commune changer de rôle. Cette résistance au changement ne connaissant pas de variation selon qu’on habite l’espace rural ou urbain.

L’attachement à la commune qui est reconnue comme assurant aujourd’hui un maillage très fin et pertinent du territoire doit interpeller à l’heure de la mise en œuvre de la réforme territoriale qui organise une nouvelle montée en puissance de l’intercommunalité.

Avec seulement 12 % de Français favorables à la disparition des communes au profit d’entités plus larges et intercommunales, il existe un risque non négligeable d’une fracture territoriale qui fragiliserait le lien très fort exprimé par les Français sur le fonctionnement satisfaisant de la démocratie locale.

Toutes indications qui montrent très nettement que les recompositions à l’œuvre doivent être accompagnées d’un réel effort de pédagogie en direction des citoyens concernés.

 

La commune plébiscitée !

Un sondage* réalisé à l’occasion du congrès de l’Association des Maires de France qui vient de se tenir apporte un éclairage intéressant sur l’attachement viscéral des Français à l’institution communale et à son avenir.

Trois français sur quatre (73 %) revendiquent un attachement fort à la commune. Plus d’un sur cinq (20 %) le déclarant “exceptionnellement fort”.
Sentiment intergénérationnel puisque si 80 % des plus de 65 ans manifestent leur attachement, 67 % des moins de 35 ans le partage.
Sentiment qui transcende également toutes les classes sociales : 70% des agriculteurs, 72% des ouvriers, 69% des cadres supérieurs et 71% des professions intermédiaires ont un attachement fort à la commune. Classes populaires, moyennes et supérieures sont donc à l’unisson. Ce degré d’attachement reste le même quels que soient le niveau d’étude, les convictions politiques, les appartenances religieuses ; que l’on soit Français de naissance ou par acquisition de la nationalité ; que l’on habite l’espace rural ou urbain ; que l’on vive au nord, au sud, à l’est ou l’ouest du pays.

Au moment où la société française est traversée par des ruptures, l’institution communale réalise un consensus exceptionnel. Face au sentiment de défiance à l’égard des institutions et du politique, les français manifestent une très grande confiance dans la commune.

Des chiffres à mettre en parallèle avec le regard que portent les Français sur l’évolution de l’institution communale et le fait intercommunal que j’aborderai dans un prochain post.

* Sondage IPSOS réalisé pour le CEVIPOF et l’AMF réalisé du 15 au 24 avril 2016 auprès de 20 153 personnes inscrites sur les listes électorales. Analyses de Pascal Perrineau et Martial Fouclault – CEVIPOF